La nouvelle vision de EAA s’appuie sur les résultats scientifiques de 27 années d’expériences en matière de recherche dans le domaine de l’eau et l’assainissement.
Sa contribution scientifique s’est faite à travers des travaux de recherche orientés sur les aspects socioculturels, économiques, technologiques et même institutionnels et juridiques.
En ce qui concerne l’assainissement et en application des principes de Bellagio relatifs au développement durable, EAA avec l’appui financier et technique de l’Agence Suédoise de Développement Internationale (ASDI), a conduit de 2001 à 2013 un programme de recherche sur l’approche écologique appelé EcoSan. Les recherches se sont opérées suivant plusieurs axes.
Une recherche largement éprouvée
Sur le plan technique, un effort considérable d’adaptation technologique des différents modèles a été fourni avec la participation des bénéficiaires finaux que sont les ménages. Par exemple, dans les milieux fortement musulmans, un orifice d’évacuation des eaux de nettoyages anales a été introduit en plus du trou de défécation et celui de drainage de l’urine.
Corrélativement, les coûts des modèles proposés (Figure 1) sont passés de 500 mille FCFA à 25 mille FCFA comme ci-dessous illustré.
Figure : les prototypes
Cette diversité de propositions techniques permet de satisfaire aux demandes de toutes les catégories sociales des communautés, des ménages les plus riches aux ménages les plus pauvres tout en prenant à la fois en compte les habitudes socio-culturelles et religieuses.
Sur le plan social, les résultats sociologiques révèlent des changements progressifs en trois phases, notamment :
$- une phase d’observation et de curiosité des populations au début,
$- une étape d’acceptation de la latrine en tant qu’ouvrage de progrès et d’amélioration des comportements en matière d’hygiène et d’assainissement,
$- et enfin l’évolution positive des perceptions vis-à-vis du concept EcoSan à travers la consommation des produits agricoles fertilisés à l’urine humaine hygiénisée.
Ces évolutions ont été obtenues à travers la stratégie de communication qui a privilégié le recours aux animateurs endogènes. Cela a facilité la référence des populations aux pratiques endogènes comme base d’acceptation de l’approche EcoSan.
Sur le plan agronomique et énergétique, les effets des fèces et des urines hygiénisés sur la production de nombreuses spécifications ou cultures locales (sorgho, maïs, manioc, igname, tomate, chou-pomme, aubergines, etc.), ont été testés avec succès. Les rendements obtenus sont en général supérieur de 20 % au témoin engrais chimique.
La combinaison fèces-urine améliore le taux de matière organique du sol, diminue l’acidité du sol: amendements organiques (ces effets s’apparentent à ceux des substrats organiques tels le fumier et les composts). Cela contribue à maintenir l’intégrité biotique tellurique pendant et après la culture.
De plus, le recours aux Excréta aide à lutter contre certaines mauvaises herbes tel que le striga. D’autres avantages tels que la qualité organoleptique (couleur et saveur) sont signalés par les producteurs et les consommateurs.
Par ailleurs, l’urine constitue un très bon neutralisant, fertilisant et alcalisant dans la biodigestion des effluents agro-idustriels. En effet, ces effluents sont souvent bio-recalcitrant à cause d’un excès d’acidité, d’une carence en azote ou peu alcalin. C’est le cas par exemple des effluents de manioc. Ces faiblesses vont être comblées pour leur biodisgestion en vue de la production de méthane en co-substrat avec l’urine.
Sur le plan sanitaire et environnemental, les résultats d’analyses effectuées aux différentes étapes de production des urines et des fèces montrent que les matières fécales compostées sont hygiénisées et ne présentent aucun danger pour la santé humaine et l’environnement.
Les urines ne sont pas contaminées par les fèces, signe de la bonne maîtrise par les utilisateurs des modalités de séparation des urines. Au cours du processus d’hygiénisation des fèces, les coliformes et les anaérobies sulfito réducteurs disparaissent totalement au bout de 4 mois. Cette disparition survient plus tôt pour les fosses fermées avec les tôles. Après un temps d’hygiénisation des fèces de 6 mois, toutes les fosses ouvertes présentent des larves et des formes adultes de cafards et des nématodes (Rhabdilis sp).
De même, les analyses effectuées aux différents stades de culture montrent que les produits récoltés ne sont pas contaminés par les germes pathogènes. La présence de parasites sur les produits est rare.
Le mode d’hygiénisation par stockage adopté fait de l’approche EcoSan une stratégie de lutte biologique contre la bilharziose en ce qu’elle permet de rompre la chaine de transmission.
Que retenir ?
Les recherches multisectorielles menées par EAA dans le contexte africain sur le concept ECOSAN ont permis d’asseoir une forte argumentation autour de l’approche. Les preuves fournies et validées par la communauté scientifique, ont ouvert la voie à une meilleure acceptation de l’approche dans les politiques et stratégies nationales.
Dès lors que les excréta humains ont acquis une valeur marchande, leur gestion peut faire l’objet d’affaire rentable avec un retour certain sur l’investissement. La mise en œuvre de pilote sur l’approche EcoSan aux échelles convenables permettra de produire les évidences de rentabilité économique et financière d’une part et d’avantages sociologiques, sanitaires et environnementaux d’autre part. Ces éléments serviront d’arguments solides pour convaincre les pouvoirs publics à prendre les mesures institutionnel et juridique favorables pour l’implication du secteur privé.